Les articles sur l’épidémie d’obésité, vrais et faux à la fois
C’est un récent article écrit par Richard Béliveau pour le Journal de Montréal qui me fait réagir aujourd’hui. On y décrit l’association qui existe entre le risque élevé de cancer et l’obésité. Les études qui décrivent de telles associations sont bel et bien réelles et l’association existe vraiment. Par contre, ces d’études ne font que survoler le problème. Elles ne permettent pas de bien comprendre quels éléments sont réellement liés au développement du cancer ou d’autres maladies. Je dirais même qu’elles nous entraînent vers de fausses pistes lorsqu’elles sont utilisées pour développer des recommandations, comme dans l’article cité par Dr Béliveau.
Le vrai
Ce genre d’études d’observation sont réalisées très fréquemment. Elles peuvent être de très bonne qualité et sont parfois publiées dans des journaux scientifiques très reconnus. Dans une étude d’observation, les chercheurs récoltent des données auprès de très grands groupes et ils regardent ensuite quelles données sont associées entre elles. Dans le cas présent, l’article scientifique indique que 13 types de cancer ont montré une association avec la présence d’obésité. Dans un autre exemple, cité en référence plus bas, des chercheurs énumèrent les principales maladies qui sont liées à un poids corporel élevé dans 195 pays. Ces associations sont bien réelles, mais n’offrent pas plus d’explication qu’une simple association.
Par exemple, on peut observer qu’au Québec la hausse dans les ventes de crème glacée est associée à l’augmentation du nombre de noyades. Est-ce que la consommation de crème glacée CAUSE les noyades ?!? Est-ce qu’on devrait recommander de limiter la consommation de crème glacée pour diminuer l’incidence de noyades !?! Pas du tout, ce n’est qu’une simple association. La raison derrière cette association est la saison estivale. L’été, les ventes de crème glacée sont plus élevées et, malheureusement, les noyades arrivent plus souvent. Un facteur n’est pas la cause de l’autre.
Le faux
Ainsi, il arrive trop rarement que les facteurs causant le gain de poids corporel soient étudiés et mis en relations avec la prévalence de maladies. On reste au premier niveau. On ne regarde que le poids corporel.
Le gain de poids est généralement le résultat d’un débalancement énergétique qui peut être causé par certaines habitudes de vie comme la sédentarité, le stress, le manque de sommeil et/ou une alimentation trop riche en calories. Il peut aussi être causé par des facteurs génétiques ou bien des facteurs environnementaux, comme l’aménagement urbain et la disponibilité alimentaire. Des facteurs socioéconomiques, comme le taux de chômage ou le financement de l’éducation, peuvent aussi en être la cause. Tous ces facteurs ont un impact à la fois sur le risque de gain de poids et de maladies.
Selon moi, on s’attaque à la mauvaise cible lorsqu’on pointe du doigt l’obésité. Pour des raisons autant physiologiques et psychosociales, je crois qu’on devrait se pencher davantage sur les causes communes du gain de poids et du développement de maladies.
Le problème
Du côté physiologique, on sait que l’amélioration des habitudes de vie améliore la santé et diminue le risque de plusieurs maladies et ce, indépendamment d’un changement du poids. Par exemple, les cellules de gras d’une personne sédentaire tend à envoyer dans la circulation des agents néfastes qui font augmenter le risque de certaines maladies. Lorsque cette personne devient active régulièrement, les agents sécrétés par ses cellules de gras se transforment pour affecter positivement la santé. Dans ce cas, ce n’est pas le poids la cause du problème, mais bien le manque d’exercice.
En attaquant ouvertement l’obésité, non seulement on fait fausse route, mais on crée la crainte du gain de poids. Certains pourraient croire qu’une telle crainte est efficace pour qu’une personne évite de prendre du poids, mais cette croyance est erronée. Cette crainte est souvent liée à l’adoption de comportements malsains pour gérer son poids et au gain de poids à long terme. D’autre part, le fait de pointer du doigt l’obésité crée de la stigmatisation et de la discrimination envers les gens de plus forte taille, ce que certains appellent la grossophopie. En plus d’être inacceptable dans notre société, la discrimination que vivent ces gens peut créer des troubles de santé mentale et diminuer l’adoption de saines habitudes de vie.
Pour terminer, il faut comprendre que le poids, ou l’image corporelle, n’est pas un comportement comme l’est le tabagisme par exemple. C’est l’état d’une personne. C’est qui elle est. Ainsi, utiliser des mots comme « éradiquer ou combattre l’obésité », c’est dire que ces gens sont inacceptables dans notre société. Aouch!!! Tu vois la différence avec « vouloir éradiquer le tabagisme », par exemple? De plus, la corpulence d’une personne est déterminée par de nombreux facteurs qui vont au-delà de la simple volonté. Il faut donc se rappeler que des changements dans notre environnement seront essentiels avant de pouvoir constater une nette amélioration dans l’état de santé de notre population, qu’elle soit associée ou non à une diminution de la prévalence de l’obésité.
Je souhaite que tu lises les prochains articles sur l’obésité avec un œil plus critique et surtout plus sensible. C’est en fait la mission que je me suis donnée.
Jo-Anne
Références
Richard Béliveau. L’obésité, l’ennemi numéro 1 dans le monde. Journal de Montréal. Publié en ligne le 15 octobre 2017. http://www.journaldemontreal.com/2017/10/15/alerte-a-lobesite
Centers for Disease Control and Prevention. Cancers Associated with Overweight and Obesity Make up 40 percent of Cancers Diagnosed in the United States. Publié en ligne le 3 octobre 2017. https://www.cdc.gov/media/releases/2017/p1003-vs-cancer-obesity.html
The GBD 2015 Obesity Collaborators*. Health Effects of Overweight and Obesity in 195 Countries over 25 Years. N Engl J Med. 2017 Jul 6;377(1):13-27. doi: 10.1056/NEJMoa1614362.
(Photo par Jamez Picard sur Unsplash)