Confessions d'une accro de la perfection
La perfection.
C'est une affaire quand ça envahit tes notes, ton ménage de chambre, tes petites plantes toutes bien alignées sur le bord de la fenêtre. C'est une autre affaire quand ça se faufile dans ta bouffe, tes calories, ta grosseur de cuisses, tes macros, ton numéro sur la balance. Ça empoisonne.
J'ai longtemps pensé que je devais avoir l'air de Mila Kunis pour arrêter de pleurer en me regardant dans le miroir. Ou que je devais manger rien d'autre que des pommes pis des carottes pour arrêter de me sentir mal après chaque repas. C'est épuisant, c'en est ridicule, mais quand tu penses qu'il faut que tu sois parfaite pour être en santé, on dirait que la seule solution, c'est de devenir végane, de jamais manger d'huile, ni de biscuit, ni de chips, ni de riz blanc, ni de de resto, pis de faire un workout par jour avec plein de cardio qui te tue les poumons. Après un moment, j’en pouvais plus, mon corps en pouvait plus, ma tête en pouvait plus. Je voulais que ma vie arrête de tourner autour d’une mentalité de diète-top-modèle qui aurait pu m’étrangler jusqu’à ce que je manque d’air. Je voulais recommencer à vivre.
Ça fait que j'ai décidé, un bon jour, de laisser tomber les « before and after pictures » de notre Instagram chéri pis de me concentrer sur ma santé, ma vraie. Pas celle en apparence, nenon. Celle qui me permet d'arrêter de me sentir mal à chaque fois que je m'assois ou de partir sans avoir besoin de planifier ma bouffe pour deux semaines. J'ai décidé de rester à quelque part entre le végétarien pis le végétalien, parce que je veux pas que mon mental en prenne un coup, je veux apprendre le laisser-aller, mais je veux aussi prendre soin de l'environnement, de mon corps, des animaux. Peut-être que certains sont pas d’accord avec mes choix, peut-être que je serai jamais capable de rendre tout le monde content. C'est pas un équilibre facile, c'est pas toujours une pente remontante, c'est vraiment trop facile de retomber dans la grosse tornade de la comparaison compulsive pis d'avoir une phobie des bourlets de ventre, mais c'est un petit pas qui m'éloigne d'une vie que je rendais moi-même misérable.
Ça fait que si t'es pris dans le même petit bateau qui pogne au vent que moi, lâche pas. Rappelle-toi que ce que Mme. Chose fait de sa vie peut être différent de ce que tu fais, tout en étant aussi bon que ce que tu fais, tout en n’étant pas exactement ce que t'as besoin de faire. Rappelle-toi qu'y a rien de parfait dans une fille qui mange quatre raisins par jour juste pour être capable de montrer son bikini sur les pancartes de rues, ou d'un gars qui passe trois heures par jour dans un gym juste pour avoir l'air de M. Incredible. Rappelle-toi que t’es unique, que personne est comme toi, que t'arriveras jamais à ressembler à la voisine d'à-côté, pis que c’est parfait comme ça.
Parce que la perfection, j'imagine que c'est d'être équilibré. Pis l'équilibre, c'est de faire ce qu'on peut, mais de pas s'arracher les cheveux quand on se laisse aller plus que d'habitude, d'y aller une journée à la fois. L'équilibre, c'est de décider de prendre une journée relax dans mon salon avec un livre pis des pancakes aux bleuets parce que je sais que je vais péter au frète si je le fais pas. Pis de décider une autre journée de manger une salade après avoir fait des exercices dans mon sous-sol. C’est surtout pas en faisant comme ils nous disent dans leurs magazines à potins, ni en restant pris dans nos manies obsessives juste parce que c'est « safe ». L'équilibre, c'est de pas être parfait pis de l'accepter.
Parce que, oui, on peut être imparfait pis être en santé.
Marianne Gilbert
Photo de Kristina Flour prise sur Unsplash